Trois moulins se trouvaient sur la commune de Roche, dont le moulin de Senioret dans la combe de Bionne attesté depuis l’an 1200 (Cartulaire du temple de Vaulx, charte 6).
Sur la commune de Villefontaine, deux moulins produisaient jadis de la fibre de chanvre, le moulin battoir de Montauban, juste en dessous de l’étang de Saint Bonnet, dont il reste encore un bâtiment ainsi que quelques aménagements hydrauliques, et le moulin du Pont.
On retrouve les premières traces du moulin du Pont vers la fin du 18ème siècle, aux environs des années 1760, sur l’atlas de Trudaine qui fut le premier atlas géographique Français digne de ce nom.
L’occupation de ce site est certainement antérieure à cette date. En 1981 et 1982, des fouilles ont eu lieu à proximité et ont mis au jour des sépultures d’époque mérovingienne.
On retrouve le moulin ensuite sur la carte des Cassini, aux environs des années 1790 à 1800, et plus tard, en 1838 sur le cadastre dit « cadastre Napoléonien ». Le cadastre dit « napoléonien » ou encore « ancien » est un cadastre parcellaire instauré par la loi de finance du 15 septembre 1807. Sa mise en œuvre s’est achevée en 1850 en France continentale. Le cadastre comporte trois parties : les plans, les états des sections et les matrices.
Le moulin devient un moulin battoir
Au début de l’ère industrielle, le moulin est transformé en un moulin battoir servant à battre le chanvre, qui fut à cette époque une culture prospère et lucrative dans le Nord Dauphiné (Le Chanvre. Almanach du Vieux Dauphinois.1987).
L’approvisionnement en fibre végétale de chanvre servait à fabriquer des cordes et des toiles, dont la toile de Voiron qui s’exportera dans tout le sud-est de la France et même jusqu’en Italie.
Les moulins battoirs étaient toujours équipés de plans d’eau communément appelés, les serves et utilisés pour le rouissage du chanvre (javeler le chanvre).
Cette opération permettait la séparation des fibres de la tige de chanvre, par une fermentation accélérée dans à un bain prolongé.
La trace de la serve de ce moulin existe encore dans le vallon par la présence d’un talus permettant une retenue d’eau.
L’eau était amenée jusqu’à un bassin tampon situé, derrière, juste au pied du moulin, comme on peut le voir sur la cadastre napoléonien de 1838.
Le bief, canal d’alimentation du moulin passait sur le flanc droit de la rivière. Des aménagements de ce canal sont encore visibles en contrebas de la retenue de l’étang de Saint-Bonnet et le long du vallon de l’Ailliat, près du petit étang au-dessus du moulin.
Le moulin à l’ère de la Fée Electricité
Ce moulin subira un changement de destination dans les années 1900 lors de l’avènement de la Fée Électricité et surtout suite à une loi autorisant, en France, l’installation de l’électricité sur les domaines publiques et privés (loi du 15 juin 1906). C’est la toute nouvelle Société Hydro-Électrique de Saint Bonnet, qui y installera une centrale de production d’électricité.
Cette société dont le siège se situait à Lyon publiera ses statuts dans le journal de Vienne le 11 novembre 1903 (Journal de Vienne 190311-P-0002). Trois actionnaires principaux en sont à l’origine :
– M. Jacques Marie Jules Raymond, colonel d’artillerie en retraite et commandeur de la légion d’honneur, le fondateur,
– M. Treppoz, docteur en droit,
– M. Courbier, ingénieur électricien de l’école polytechnique, le véritable initiateur technique de l’installation et le signataire de la convention de distribution d’éclairage publique avec la commune de Villefontaine en 1909.
Dans les statuts, il est aussi fait une part importante des bénéfices supplémentaires en faveur de M. Tavernier, chevalier de la légion d’honneur et directeur des ponts et chaussées, demeurant au château de Vaugelas, et qui possédait un pouvoir certain sur l’hydraulique de l’étang de Saint-Bonnet.
À l’origine, la société devait alimenter en électricité la commune de Villefontaine, mais aussi celles de Saint-Quentin-Fallavier, Roche, Vaulx-Milieu et La Verpillière.
La centrale a vraisemblablement produit de l’électricité dès 1903, pour des installations agricoles.
Mais, malgré une décision communale de 1903 pour l’installation d’un éclairage public, Villefontaine ne fut éclairée qu’au début de l’année 1909, par l’installation de 4 lampes d’éclairages de 10 bougies chacune, soit environ 40 Watt, au lieu de 8 lampes prévues à l’origine, ainsi que le raccordement de la salle de la mairie.
Ont été installées :
– une lampe à l’angle d’une maison dit « COMBARD » (lieu inconnu),
– une lampe à l’intersection du chemin de Saint-Quentin-Fallavier et du chemin n° 136 qui traversait Villefontaine, au village,
– une lampe face à une maison dit « RABATEL » (lieu inconnu),
– une lampe à l’intersection du chemin de la croix de Vaugelas et du chemin du Pont.
Ces travaux seront réalisés contre une somme de 350 francs, avec un rabais de 60% accordé par la société hydro-électrique, déjà largement subventionnée (cf. Convention d’installation et de distribution. Archives départementales de l’Isère)
Il faut dire qu’à cette époque, nous étions au début de l’ère industrielle et aux balbutiements de l’éclairage d’origine électrique. Seules les grandes villes étaient éclairées, mais au gaz dit gaz de ville, en réalité gaz de coke, un sous-produit de la combustion du charbon des nombreux hauts fourneaux qui florissaient sur l’ensemble du territoire.
Avant 1935, la société est absorbée par la Société Générale de Force et Lumière de Grenoble, qui réalise une importante extension avec l’adjonction d’un transformateur de 10 kW et d’environ 5 km de réseau électrique permettant d’alimenter d’autres abonnés.
Cette distribution devait être réalisée en 120V sur 3 phases et 1 neutre, comme le montre une photo datant de 1908, sur laquelle on voit une patère fixée sur la centrale et munie de 4 isolateurs blancs. Il pourrait donc s’agir déjà, de courant triphasé alternatif, mais nous n’avons aujourd’hui pas d’autres informations sur les équipements de cette centrale.
Rachetée par le groupe Durand en 1935 ( Jean Claude Daumas, Le capitalisme familial, 17/01/2002 PUFC), cette usine fut nationalisée au profit de EDF en 1946, puis désaffectée lors d’un raccordement sur le réseau national.
Dans l’ouvrage Villefontaine au passé antérieur, Lucien Cotonnet écrivait : « Vers les années 30, une quinzaine d’utilisateurs jouissaient de la fée électricité. C’était la propriété de M. De Montarby et l’alimentation de cette centrale était fournie par un canal partant de l’étang de Saint-Bonnet […] le débit réglé par une vanne arrivait à l’usine par une courte conduite forcée sur la turbine. Accolée à celle-ci, une chambre contenait tous les accessoires tel que rotor et transformateur, pour arriver à distribuer un courant de 120 V à la sortie. Mais le transformateur pas assez puissant ne permettait de donner au village, vu la distance et le nombre d’abonné, pourtant fort restreint, qu’un courant de 70/80 volts tout juste suffisant pour faire rougir des lampes à filaments de carbone. »
Il écrivait aussi : « Je connaissais le magicien, qui avait pour nom Vignon et qui était le seul personnage à faire tourner la petite centrale. Il me faisait parfois peur, il me faisait entrer dans le lieu où était le transfo, Il montait sur un petit escabeau muni de 4 pieds isolants en verre et saisissant un bambou nanti d’une forte pointe d’acier et faisait passer d’un pôle à l’autre une énorme étincelle bleue dans un grand craquement … »
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