La maison et le domaine Levrat

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LES DIFFÉRENTS PROPRIÉTAIRES ET L’ÉVOLUTION DU DOMAINE

Matrice des propriétés foncières Villefontaine Arch. Dép. Isère 2598W534

C’est surtout grâce aux matrices cadastrales, que nous pouvons établir l’histoire du domaine à partir de 1839.

A cette époque, le propriétaire du domaine et de la parcelle, qui n’était pas encore bâtie était César LUCOTTE.

Né à Villefranche-sur-Saône le 28 décembre 1818, il était le fils d’un hôtelier lyonnais réputé et fut le dernier « maître de poste » de Lyon, dans les années 1850, la poste à cheval étant vivement concurrencée par le train. Il épousa le 2 avril 1843 une lyonnaise, Eugénie Chable, née le 7 juillet 1826. Il mourut à son domicile lyonnais, 31 place Louis-Napoléon (actuelle place Carnot), le 22 juin 1862. (Renseignements tirés de « Les Vieilleries lyonnaises », de Clair Tisseur et état-civil en ligne arch. munic. Lyon)

La matrice cadastrale fait état de la construction d’une maison sur la parcelle B14-46 en 1860. Le domaine comprend en outre un nombre important de parcelles sur les secteurs de la Raz et de la Tortue, (terrains entre la maison et le GS8, et au Sud) et représente environ 15 hectares de bois-taillis, pâtures et terres cultivables.

En 1863, le propriétaire mentionné par la matrice était Amédée FIGUIER.

Né à Sommières (Gard), le 7 février 1805. Il épousa Joséphine DUPLAY à Saint Étienne le 1er octobre 1834. Son nom apparut pour la première fois dans le « Salut Public » du 14 novembre 1853, dans la liste des propriétaires « réels ou supposés tels » (sic) expropriés pour la construction de la gare de Perrache. Il partagea avec son associé, M Perriolat, une indemnisation de 78 160 Francs. Il semble avoir été un brasseur d’affaires, essentiellement en matière immobilière, occasionnellement comme syndic de faillite, ce qui lui valut parfois de fréquenter les cours de justice. En 1863, Amédée FIGUIER fit construire une deuxième maison sur la parcelle, puis, en 1864, il fit agrandir l’une des deux existant alors.

Avis de décès Le Salut Public 4 mars 1975

Amédée FIGUIER décéda à son domicile lyonnais, 28 rue de Bourbon (actuelle rue Victor Hugo), le 2 mars 1875, juste après avoir vendu son domaine à Gustave BOUTHIER le 4 janvier 1875 pour une somme de 18000 francs. (Avis de purge d’hypothèques, Moniteur de Vienne, 29/01/1875).

L’avis de purge indique un domaine d’environ deux hectares. Les matrices cadastrales indiqueraient plutôt une quinzaine. Peut-être la vente indiquée dans la purge ne concernait-elle que la maison et le parc, le reste ayant été acquis séparément.

Avis de purge d’hypothèques, Moniteur de Vienne, 29 janvier 1875

                                              

Né le 13 décembre 1845 à Lyon, Gustave BOUTHIER était le frère d’Henri Ennemond, administrateur et vice-président du Crédit Lyonnais. La famille était originaire de Marennes et disposait de revenus importants. Son père, Henry, décédé en 1852, était rentier, Gustave fut donc rentier. Il épousa à Lyon le 5 octobre 1874, Marie Martin née en cette ville le 13 février 1853 et qui mourut en 1904. Son acte de décès mentionne que Gustave BOUTHIER était également propriétaire du château d’ANDERT (Ain) (cf notice Wikipédia).

Ils eurent deux filles, Jeanne, née le 21 novembre 1875 à Lyon qui épousa François Charvériat, ingénieur des Mines, et Louise, née le 11 juillet 1880 à Villefontaine, qui épousa à Lyon le 29 avril 1903, Édouard POMMIER, avocat à la cour, né le 12 mai 1878 à Lyon.

En 1875 ou 1876, la maison fut substantiellement transformée par agrandissement ou reconstruction et prit son aspect actuel.

Pour 1876, la matrice cadastrale pour la parcelle indique deux maisons, l’une avec 6 ouvertures, l’autre avec 32 ouvertures et deux portes cochères.

Gustave BOUTHIER agrandit également le domaine de façon très importante, achetant en 1876 l’étang, la levée, et plusieurs terrains autour de l’étang, situés sur la commune de Saint Quentin-Fallavier.

En 1906, Gustave BOUTHIER céda à son gendre Edouard POMMIER, la nue-propriété du domaine tout en en conservant l’usufruit, procédé fiscalement intéressant.

Tout en continuant d’occuper un logement à Lyon, 14 Quai Tilsitt, Gustave BOUTHIER semble avoir résidé très fréquemment à Villefontaine, puisqu’il est mentionné dans les recensements quinquennaux de 1896 à 1921. Sa domesticité comprenait une cuisinière, un jardinier, une bonne et un cocher qui devint « chauffeur d’auto ».

Recensement Villefontaine 1921 ADI

Le 30 mai 1923, Gustave BOUTHIER mourut à Lyon. Il fut enterré à Andert aux côtés de son épouse. Édouard POMMIER devint pleinement propriétaire du domaine.

Avocat à la Cour à Lyon, Édouard POMMIER fut maire de Villefontaine de 1904 à 1912. On lui doit notamment les débuts de l’éclairage public électrique dans la commune. Il mourut en 1959. Son cabinet et son domicile lyonnais étaient situés 2 place Bellecour.

Il fit toute la guerre 1914-1918 comme officier d’infanterie, obtenant deux citations et la Croix de Guerre.

Il vendit le domaine en 1940 ou 1941 au professeur Marcel LEVRAT. (Les matrices et rôles de ces années indiquent encore POMMIER comme propriétaire)

Albrice, Joseph, Marie, Marcel LEVRAT, né 22 août 1903, fut le cinquième représentant d’une lignée de médecins qui débuta en 1753. Prénom traditionnel chez les Levrat, le prénom peu courant d’Albrice était substitué par un prénom plus usuel : Gustave pour son père, Marcel pour celui qui devint médecin puis professeur de médecine, responsable du service d’hépato-gastroentérologie à l’hôpital de Grange-Blanche.

Il épousa Simone FINET, le 25 avril 1932. Ils eurent quatre enfants.

Marcel LEVRAT vendit le domaine à l’Etat en 1975 dans le cadre des acquisitions pour la création de la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau.   

Son épouse mourut en 1988, lui en 1995. Il fut enterré dans le caveau familial des LEVRAT, au cimetière de la Guillotière à Lyon.

LA MAISON

Les plans trouvés au service du patrimoine de l’Isère portent des mentions manuscrites qui indiquent la nature des matériaux utilisés pour la construction.

La façade sud de la partie centrale est en pierre, la façade nord en pisé de terre. Cette partie centrale est la plus ancienne et daterait des années 1860 à 1864. La mention d’une période de construction antérieure (1750-1760) n’est cohérente ni avec les matrices cadastrales, ni avec la carte d’état-major de 1820-1866.

Les renseignements apportés par les fiches des pré-inventaires du patrimoine corroborent la construction en plusieurs temps : En 1860-1864, érection d’un premier bâtiment qui deviendra la partie centrale de l’actuelle maison Levrat. Construction des communs vers 1863, puis en 1875-1876, ajout des deux ailes, construites en pisé de mâchefer. Cette technique de construction est parfaitement conforme à la période. (Voir document annexe)

Construit sur des caves, le bâtiment comprend trois niveaux : Au rez-de-chaussée, dans chaque aile, une salle de 40 m², servant, l’une de salon, à l’ouest, l’autre de salle à manger, à l’est. Dans la partie centrale on trouvait, le hall d’entrée, la cuisine, une « pièce de chasse » et un petit salon.

A l’étage se trouvaient six chambres, dont une avec un cabinet de toilette, une salle de bains, un bureau.

Enfin au grenier, se trouvaient encore cinq chambres et des débarras.

Les dimensions extérieures : 9,25 m X 23,80 m

Les murs font de 50 à 60 cm d’épaisseur.

L’enduit actuel date de 1980 environ, le précédent aurait été gris.

La maison n’a donc rien d’exceptionnel, si ce n’est la variété de matériaux utilisés pour sa construction et le pavage en carreaux de ciment, qui daterait de l’agrandissement et qui mériterait une étude approfondie.

Carreaux de ciment Salle à manger

Carreaux de ciment Pièce de chasse

Après avoir accueilli l’écomusée du Nord Dauphiné, aujourd’hui disparu, la maison est maintenant attribuée au CRAterre, Centre de Recherches sur les Architectures en terre.

LE DOMAINE

Le domaine s’étend en bordure du lac de Fallavier.

Cette grande propriété comprend :

  • La demeure bourgeoise du XIXe siècle (appelée parfois château ou pavillon) déjà présentée, au cœur d’un parc arboré d’essences rares et aujourd’hui centenaires, alimenté en eau par d’anciennes canalisations,
  • Deux dépendances ; l’une est constituée d’un corps de logis de plan carré à deux niveaux d’élévation, flanqué à l’ouest d’une remise et d’une écurie. A l’arrière, une grande porte double, couverte d’un arc segmentaire en briques avec clef et sommier en pierre, ouvrait initialement sur les écuries. Le toit à quatre pans est orné d’un épi de faîtage. Un second corps de bâtiment abritant aujourd’hui un pressoir faisait à l’origine fonction d’orangerie. Un local à usage de bûcher est adossé à sa façade arrière.
  • On trouve de l’autre côté de la route, une ferme de belle taille qui exploitait les terres.

Cette grande ferme viticole est constituée d’un corps de logis, traité en pavillon, et d’un vaste bâtiment d’exploitation. Le bâtiment, d’aspect très homogène, a vraisemblablement été construit d’un seul tenant à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle. Les encadrements sont traités en appareil (ou décors en trompe-l’œil) de pierres et briques. Sur le logis, la brique signale les arcs de décharge, tandis que sur le bâtiment agricole, elle est utilisée pour former des arcs segmentaires au-dessus des baies. Le bâtiment des dépendances (grange, remise, écuries à vaches et à chevaux) est protégé par une large dépassée de toit soutenue par des consoles de type “4 en chiffre”. L’extrémité du bâtiment est constituée d’une remise surmontée d’un fenil, fermé par un bardage de bois peint. On note la présence d’un ancien four à pain dans la remise, et d’un bassin circulaire au centre du jardin.

La ferme était principalement viticole – on y a cultivé jusqu’à 3 hectares de Gamay.

Les bords de l’étang accueillent par endroits des roselières, ce qui explique que le domaine fut de tout temps un rendez-vous de chasse réputé.

Dans la partie haute du parc, à l’est du portail d’entrée de la propriété, une fontaine alimente un grand bassin d’agrément à entourage de pierres taillées, servant également de lavoir.

Informations recueillies auprès de M. Dainese, locataire de la ferme et ancien régisseur du domaine, par l’auteur du pré-inventaire 2008 :

On daterait sa création des années 1730-60 ;

Il a compté jusqu’à 33 hectares de parc, bois et champs ;

Une conduite d’eau a été créée par les prisonniers autrichiens du général Lafayette.

La conduite mentionnée ci-dessus est bien représentée sur le cadastre napoléonien, mais on n’y trouve trace d’aucun des bâtiments actuels.

En 1853, la digue de l’étang a été refaite en bois, ce qui a généré le remodelage des bords de l’étang.

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Principales sources : ADI, Fiches du préinventaire 1997, 2008, Archives municipales de Lyon,